A sara dura : prise de parole d’occupant-e-s à la manif NoTAV de Lyon

Texte de la prise de parole à la manif NO TAV du 3 décembre à Lyon. Ce texte n’a pu être lu en l’état du fait de la répression que la plupart d’entre nous ont subi ce jour là.

Amis d’ici, amis d’ailleurs

A SARA DURA !!!

L’écho de ce cri de colère et de révolte poussé depuis la vallée a résonné jusqu’au bocage de Notre Dame des Landes.

Pendant les trois ans du mouvement d’occupation, nous étions nombreuses à avoir les yeux braqués sur la vallée, à fantasmer la puissance du mouvement populaire qui s’y déployait.

Aujourd’hui, nous arrivons ici portées par l’énergie folle de sept semaines de résistance sur la ZAD, portées par l’élan d’un mouvement de lutte qui a éclot pendant ces semaines de conflits.

L’aéroport n’est plus un projet, un monstre de papier, c’est une réalité matérielle et humaine : c’est nos maisons détruites, c’est la forêt éventrée par les chenilles des machines, c’est nos amies blessées et emprisonnées. L’idée d’un mouvement contre l’aéroport et son monde n’est plus un rêve porté par quelques habitantes isolées dans le bocage, c’est une vague de résistance en acte qui déferle, nous emporte et nous dépasse.

La ZAD n’a jamais été aussi vivante :

- l es reconstructions fleurissent de toute part
- le ravitaillement spontané opère comme une magie qui nous submerge de bouffe et de matos, précédant nos besoins
- les barricades apparaissent et disparaissent dessinant une mystérieuse et sublime géographie mouvante de l’auto-défense territoriale….

Plus la lutte se renforce et se durcit dans le bocage, et plus elle se répand au delà du territoire. « La valle sulla citta » proclamait le mouvement NOTAV en février dernier alors que la résistance prenait la forme de blocages, d’occupations et de manifs dans dans une flopée de métropoles italiennes…

« ZAD partout » peut-on désormais lire sur les murs de nombreuses ville en France. Plus d’une soixantaine de comités locaux organisent des actions diverses et répandent ainsi le conflit. Les formes sont multiples et sans cesse renouvelées : sabotages solidaires, occupations de mairies, blocage d’un pont sur le periph de Nantes par les paysans et leurs tracteurs, ect…

De nouvelles présences sur la zone dessinent une nouvelle architecture de l’occupation. Présences paysannes et usage défensif des tracteurs, allers-retours de collectifs qui s’organisent depuis leurs villes respectives, implication sans précédent des gens du coin.

Sur son propre terrain, la lutte a déjà vaincu un ennemi bien plus fort que le projet d’aéroport : elle a été capable de réduire les distances entre nous, de subvertir les rôles et d’abolir en partie les frontières entre : gens du coin et gens d’ailleurs, entre association citoyennes et formes d’auto-organisation et d’action directe, entre squatteureuses percues comme marginales et salariées perçues comme respectables.

La lutte c’est des personnes en tout genre qui nous aident à remplir des sacs de projectiles en nous soufflant « Mettrez leur en plein la gueule »  !

La lutte c’est un paysan exproprié qui passe devant les tribunaux pour avoir balancé des bouteilles sur les flics et regrette devant le juge … de ne pas les avoir blessés ! La lutte c’est un gars du bourg qui vient avec sa tronçoneuse sur la barricades, sourire aux lèvres !

La lutte c’est des centaines de personnes qui crient « Vinci dégage résistance et sabotage ! »

La lutte c’est des milliers de personnes qui forment une immense chaine humaine pour constuire des cabanes en forêt !

La lutte c’est des dizaine de tracteurs enchainés les uns aux autres pour protéger un lieu d’organisation collective surgi de terre en quelques jours !

La lutte c’est des élus dépassé par le mouvement et contrains à l’action directe pour se redonner une légitimité…

« Siammo tutti black block » scandait la foule rageuse au Val di Susa. « Il n’y a aucun groupuscule d’anarchiste dangereux, c’est nous tous le groupuscule, les 30 000 personnes que nous sommes, main dans la main.. ; On a pas peur de le dire, nous paysans on va les prendre les pierres et les bâtons » proclame soudain le porte parole de l’ACIPA.

Si nous sommes venus à Lyon aujourd’hui, c’est que LGV et aéroport sont les deux fragments d’un même monde que nous combattons et rêvons d’abolir. Le bocage comme la vallée sont défigurés par la même logique de métropolisation, traversés par les mêmes flux, soumis au même impératif absurde de la Vitesse. Au-de-là de la France et de l’Italie, d’Atenco au Mexique aux luttes contre les projets de mines ou de barrage, au Brésil, ces luttes débordent les frontières de l’Europe ; parce que le pouvoir cherche à imposer partout la logique de métropolisation.

LVG aéroport, tram-train, centrale à gaz, mine de charbon, stade de foot, centrale nucléaire, THT, éoliennes industrielles, lotissement HQE : Contre toutes ces infrastructures qui aménagent nos territoire, contrôle nos vies  !

Comme l’écrivent nos camarades de Milan ces infrastructures « c’est la concrétisation faite de ciment, d’acier et d’uniformes bleus, d’une conception du monde qui nous est absolument étrangère »

Alors que la lutte contre l’aéroport prend une ampleur insoupçonnée, nous voulons que la visibilité qu’elle a acquise et que l’énergie qui s’y déploie rejaillissent sur toutes les luttes contre l’aménagement du territoire… Ces luttes participent de la même révolte contre le pouvoir  ! Ce mouvement qui s’organise à la base, n’est pas soluble dans les tentatives de représentation, de négociation, de pacification et de récupération.

Lutter contre le quadrillage du territoire par les infrastructures, ce n’est pas seulement porter des coups contre la métropole. On se retrouve dans une lutte contre cet aéroport mais immédiatement, on rêve de l’usage collectif de ces terres, on imagine d’autres manière d’habiter cet espace, d’autre manières d’habiter ce monde. Lutter contre l’aéroport, c’est aussi susciter des désirs de sécession, c’est aussi effleurer la possibilité d’espaces autonomes, vivre la possibilité de la Commune.

Au début de l’opération César, la préfecture déclarait « Si la république ne parvient pas à reprendre la zone, alors il faut s’inquiéter pour la république ». Aujourd’hui à Lyon, nous lui répondons :

« Semons la zone pour faire trembler la république »

A SARA DURA, ANCHE IN FRANCIA !!!!